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Camille Brinet
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Camille Brinet
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21 septembre 2010

Grenoble - la manipulation et la justice

Braquage, courses-poursuites , échanges de tirs, émeutes,
.... et un discours de N. Sarkozy le 30 juillet relançant un "séquence sécuritaire" pour tenter de détourner l'attention des Français de la loi sur les retraites, du bilan économique et social catastrophique du gouvernement et de l'affaire Bettencourt-Woerth-Sarkozy.

Le 30 juillet dernier, effectivement, N. Sarkozy a oublié qu'il avait été ministre de l'intérieur de 2002 à 2004, puis de 2005 à 2007 et président de la République depuis 2007. Comme un candidat d'opposition en campagne, il a souligné l'échec de l'intégration à la française et a déclaré une "guerre nationale" contre les voyous...comme en 2002, en 2003, en 2008, en 2009.
Mais cette fois-ci, on va voir ce que l'on va voir, car N. Sarkozy a trouvé un nouveau joujou, toujours plus fort : la déchéance de la nationalité. Oui, cette fois-ci, il s'agit de retirer la nationalité française aux naturalisés depuis moins de 10 ans, ayant conservé leur ancienne nationalité et ayant été condamné pour meurtre ou tentative de meurtre sur une personne dépositaire de l'autorité publique.

Non seulement cette annonce ne concerne qu'un nombre infinitésimal de cas (moins de un par an très vraisemblablement) et ne répond donc absolument pas aux problèmes d'intégration des populations d'origine immigrée (dont beaucoup, il faut le rappeler à la droite, sont nées françaises), ni au problème croissant de la délinquance ou du grand banditisme.
Mais surtout, ce projet de loi porte atteinte à l'article 1er de la constitution "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.", comme le montre bien Guy Carcassonne. Elle sera donc très vraisemblablement annulée par le Conseil constitutionnel (enfin, sauf si Accoyer ne décide de supprimer le droit de saisine du CC par les députés).

B. Hortefeux, apparemment très excité par ce discours, a enchaîné immédiatement et a annoncé la
déchéance de la nationalité en cas d'actes de délinquance et de polygamie de fait..... Les Français se sont interrogés sur les conséquences de la pénalisation de la polygamie de fait sur leurs modes de vie, leurs vies privées et l'évolution des moeurs depuis... un siècle ?

...pendant ce temps, la belle ville de Grenoble se remettait de ses multiples émotions, elle qui en fait, n'avait rien demandé à personne et se serait bien passée de subir ce discours scandaleux ou les conséquences de la nouvelle hystérie présidentielle et ministérielle.
N. Sarkozy a en effet encore une fois viré le préfet de l'Isère en juillet et son remplaçant et les policiers subissent un très légère pression. Début août, les arrestations suite aux émeutes n'ont quasiment donné lieu à aucune poursuite. La méthode "commando" de ces interventions a été dénoncée comme portant atteinte aux enquêtes de fond déjà commencées.

Mais la séquence sécuritaire ne pouvait pas s'arrêter là et il a fallu s'attaquer à l'indépendance de la justice.

Le 31 août, une personne soupçonnée d'être complice dans le braquage du casino d'Uriage, presque l'ennemi public n°1, a été interpellée. Le 2 septembre, le juge des libertés, saisi en application de la loi sur la présomption d'innocence votée en  juin 2000 par la gauche, a décidé de libérer sous contrôle ce suspect. Ce juge, sûrement courageux, a appliqué avec compétence l'article L143 et ss du code pénal qui restreignent les possibilités d'emprisonner provisoirement une personne.

Quel déchaînement ! N. Sarkozy, oubliant une nouvelle fois qu'il est président de la République, nous a expliqué que cette libération est "difficilement compréhensible", Hortefeux nous a fait part de sa "très vive indignation", Alliot-Marie s'est tue comme d'habitude. Enfin, non, elle a demandé au procureur de faire appel.
Celle-ci aurait pu s'opposer à la décision du juge des libertés dès qu'elle en avait été informée, ce qui aurait permis d'empêcher la libération du suspect. Cela ne l'a pas empêchée d'emboîter le pas de Sarkozy, d'Hortefeux et certains syndicats de policiers pour déclarer après eux que la libération était "absolument inacceptable compte tenu des charges très graves qui pèsent" sur lui.

Enfin, MAM a bien eu raison de lui demander de faire appel. Cela a permis à la Cour d'Appel de Grenoble de confirmer la mise en liberté et de donner une nouvelle leçon de droit à N. Sarkozy, à Hortefeux, à certains policiers, et même à P. Bilger.
D'abord, ils écrivent noir sur blanc que le dossier est bien bancal, pour ne pas dire très léger et précisent la raison de cette légèreté : "Au terme d’une enquête judiciaire sérieuse, approfondie et minutieuse, mais handicapée par le manque de temps et les pressantes incitations à interpeller rapidement le complice en fuite, les policiers n’ont pu recueillir aucune mise en cause expresse de M Ghabbour  (…) Si un faisceau de coïncidences troublantes permet de penser que M. Ghabbour pourrait avoir commis les faits pour lesquels il a été mis en examen, il ne peut, en l’état du dossier, donner lieu à une certitude ou à une quasi-certitude quant à sa participation aux faits (…) Que dès lors, et compte tenu des incertitudes qui demeurent au dossier, le placement en détention de M. Ghabbour n’apparaît pas de nature à apaiser le trouble à l’ordre public qui résulte des faits."

Ensuite, ils expliquent à certains excités du "trouble à l'ordre public" qu'on ne peut pas créer soi-même le trouble et après mettre le premier venu en prison pour fanfaronner :

“Le trouble à l’ordre public ne peut résulter du seul retentissement  médiatique de l’affaire, quand bien même aurait-il, en l’espèce, été  largement entretenu, voire amplifié, par les différentes prises de  position rapportées dans les médias”.

Je regrette profondément que cette décision n'ait pas reçu la même attention dans les médias que la première décision courageuse du juge des libertés.

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